Aux couleurs de l'été russe

Publié le par Hugo Prigent

 

Quelques noms sonnent familièrement aux oreilles des mélomanes, entre Casse-noisette et Le sacre du printemps. Des noms comme Dans les steppes de l’asie centrale, d’un certain Borodine, Une nuit sur le Mont-Chauve d’un certain Moussorsky ou Shéhérazade d’un grand barbu aux petites lunettes du nom de Rimsky-Korsakov. Mais voilà quelques arbres qui cachent une forêt immense aux ramifications insoupçonnées.

Voilà pourquoi, je souhaiterais que cette bafouille commence aux sons du grandiose L’île des morts, poème symphonique (chef d’œuvre) de Rachmaninov, d’après la toile éponyme de Böcklin

 

http://www.youtube.com/watch?v=MVZWoE3_l4I

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 Bien entendu, cet article ne peut pas être exhaustif et pourtant il n’abordera même pas l’immense chapître de l’opéra russe où de remarquables chef-d’œuvres ne pâlissent même pas aux côtes de l’œuvre wagnérienne.Voilà pourquoi tout commentaire personnel, rajout ou précision sont les bienvenus!!

Cette musique se construit - n’en déplaise à Moussorsky – en fonction du romantisme européen. Elle en est l’une des évolutions sublimes dont seule l’âme russe aurait été capable. Les compositeurs qui se réunissent autour de Mili Balakirev sous le nom de groupe des cinq  revendiquent leur non-professionnalisme. Borodine est un génial chimiste découvreur de la condensation aldolique (ne me demandez pas ce que c’est !) et Moussorsky devient membre de la garde impériale, avant de la quitter pour se consacrer à la musique en s’installant chez Rimsky-Korsakov. Et que dire de ce dernier, dont la vie est un véritable roman ! Quelle stupéfaction pour le public qui ovationne la Première symphonie de ce compositeur encore inconnu, lorsqu’un jeune officier de marine tout juste rentré d’un tour du monde vient saluer sur la scène aux côtés de Balakirev, chef d’orchestre pour l’occasion.

Vous l’aurez compris, au-delà de l’influence musicale énorme, ces compositeurs sont des êtres attachants et fascinants. L’histoire de la musique connaît peu de collaboration aussi durable et romanesque que celle du groupe des cinq. Moussorsky, le génial idéologue ne pardonnera jamais à son « grand-frère » Rimsky, lorsque celui-ci sacrifie une partie de son « âme russe » pour s’adonner à l’étude du contrepoint. C’est que Rimsky est devenu professeur et qu’il se rend compte qu’il est presque aussi ignorant que ses élèves…  Moussorsky dévoré par l’alcool meurt prématurément et c’est pourtant Rimsky qui terminera Boris Godounov et qui révisera l’orchestration (très controversée) d’une Nuit sur le Mont-chauve.

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Borodine, plus discret n’en n’est pas moins le génial auteur de cette Deuxième Symphonie au thème initial si obsédant ;)

http://www.youtube.com/watch?v=FmUsL6biVro&feature=related

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…Mais si parfait !

A découvrir aussi, son opéra Le prince Igor ou le superbe poème symphonique Dans les steppes de l’Asie centrale.

 

Justement…Amateurs de voyages ? La musique de Rimsky-Korsakov est pour vous. Outre son œuvre opératique comparable en quantité (et en qualité ?) à celle d’un Mozart, il est le génial et célébrissime compositeur de Shéhérazade et du Capriccio espagnol une œuvre russe, certes, mais qui aura une influence énorme sur les De Falla et autres Albeniz du « cru » espagnol. La preuve en est : c’est bien cette musique que j’ai entendue, il y a quelques années en Andalousie lors d’un spectacle de flamenco pour touristes profanes et bedonnants (Olé !)

http://www.youtube.com/watch?v=Kq65ufWquRE

 

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Et que dire de La grande pâque russe une des œuvres qui « pète » le plus dans le répertoire dit « classique ».

Vous l’aurez compris, mon affection va particulièrement vers ce compositeur, peut-être parce qu’en redécouvrant les autres russes, il en devient dérangeant par l’ombre qu’il semble avoir voulu leur faire. Mais il n’en est rien. Sans lui, Boris Godounov, l’un des plus grands opéras jamais écrit serait sans doute tombé dans l’oubli. Sans lui, personne ne connaîtrait peut-être l’existence même de Moussorsky, dont on peut à peine mesurer l’influence sur le XXème siècle. La magnifique orchestration que Ravel nous a fournie des Tableaux d’une exposition en est une preuve parmi d’autres.

 

http://www.youtube.com/watch?v=kZkoW1Ta3ew&feature=related

 

Rimsky a passé plus de la moitié de son temps de création a valoriser les œuvres de ses contemporains. En retour, il est indéniable que sa musique s’est nourrie des influences de Borodine et Moussorsky.

Et sa musique… Mais quelle musique !  Un aller-simple systématique au pays du merveilleux. Des couleurs qui font doucement sourire ou ardemment frissonner. Shéhérazade, bien sûr, mais aussi son brouillon (superbe brouillon !) la symphonie Antar première incursion dans le désert arabique qui fascinait tant ce russe.

http://www.youtube.com/watch?v=btUeG2S7t6c

 

 

Ou encore le Tsar Saltan, œuvre délicieusement ironique qui posa bien des problèmes au vieux Rimsky qui critiquait ouvertement le pouvoir Tsariste. (ce qui lui coûta son poste !)

Influencé par Liszt, Tchaïkovsky, ou encore les russes (ses pères spirituels) Glinka et Balakirev, il pousse l’orchestre à son plus haut degré d’aboutissement. Ses œuvres sont si variées qu’on ne saurait s’en tenir aux quelques 5% connus du grand public. Des consonances romantiques, agrémentées de folklorisme ukrainien, de La nuit de mai aux couleurs inouïes de la suite d’orchestre du Tsar Saltan venez découvrir ce génie qui a tant influencé le XXème siècle !

http://www.youtube.com/watch?v=6VHlh-aHiEE&feature=related

 

Déjà deux pages (au format word) et je n’ai toujours pas parlé de Scriabine !!!


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Cette musique russe, sorte de boursouflure de la culture Européenne a ceci de particulier, qu’elle donne à voir, autant qu’à entendre. Mais contrairement au wagnérisme, il s’agit de vision abstraite, kandinskienne, oserai-je dire. Ainsi L’île des morts de Rachmaninov donne à voir ce qu’il y a derrière les funestes pins de Böcklin ! Moussorsky met en musique des tableaux que nul n’a vu. Scriabine crée une œuvre qui veut emporter l’homme jusqu’au tréfonds de son propre esprit, par le biais d’une synesthésie absolue. Ainsi, le clavier à lumière de Prométhée n’est qu’une étape que sa mort prématurée a empêchée d’achever. Il envisageait d’inclure également les sens du toucher et de l’odorat dans une œuvre immense d’une durée d’une semaine. Bon d’accord, il était complètement fou, mais, je suis en train de vous parler du plus moderne de tous ces compositeurs russes et de l’un des avant-gardistes les plus extrêmes de toute l’histoire de l’art occidental !

L’écoute chronologique de ses études pour piano qui tiennent sur un seul disque vous fera voyager d’un style assez proche de Chopin jusqu’aux confins de la musique tonale. Je ne résiste pas à l’envie de vous faire écouter celle-ci. Pourquoi ? Mais parce qu’elle est magnifique !

 


 

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=VfXjk7GkCF8

 

Génial compositeur pour le piano, (Sonates, Fantaisies…) il est aussi un créateur unique pour l’orchestre.

Éteignez toutes les lumières et plongez-vous dans l’orgie sonore du Poème de l’extase, avec ou sans substances supplémentaires : trip garanti !

http://www.youtube.com/watch?v=WpeH-4hZtqI

 

Et ça, seul un russe pouvait le faire !

Publié dans Panthéon de Hugo

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