Jef Le Penven et le chant populaire breton (partie 1)

Publié le par Anne-Marie DUMERCHAT-SCHOUTEN

 

Jef Le Penven et le chant populaire breton

Des sources à la composition


Première partie / Une formation double / Premiers arrangements

 

Chacun connaît sa fameuse mélodie Me zo gannet e kreiz er mor écrite sur un poème de Y. Ber Kalloc'h, réinterprétée depuis par Stivell, Servat et tant d'autres. Mais que sait-on de l'énorme travail accompli par Jef Le Penven pour recueillir, publier, harmoniser les chants populaires bretons et en faire la pierre d'angle du renouveau musical des années 1950 et 1960 ? C'est à la lueur de cet aspect que nous partons à la redécouverte de son oeuvre, aussi prolifique que méconnue.

 

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L'auteur

Anne-MarieDumerchat-Schouten est née en 1964. Titulaire d'une licence et d'un CAPES en musicologie, elle enseigne la musique en collège et lycée depuis plus de vingt ans. Ayant grandi à Concarneau, elle est allée à la rencontre de ses racines au travers d'une recherche sur le compositeur breton Jef Le Penven. S'appuyant notamment sur les archives de la famille Le Penven, elle a rédigé et soutenu en 2011 le mémoire de master « Jef Le Penven, entre tradition et musique savante ».

 

 

 

Si Jef Le Penven nous a quitté un 30 avril 1967, sa mémoire reste encore bien présente en Bretagne. « Adulé dans son milieu »1, ce fils de l'Argoat armoricain est l'un des compositeurs le plus proche du chant populaire breton. Son œuvre puise au cœur même de la tradition. Ceux qui ont croisé Jef Le Penven au cours de sa carrière parlent d'un compositeur et d'un chef d'orchestre « bouillonnant, passionné, très doué et très moderne pour l'époque »2. Ils évoquent aussi ses talents d'organiste, de pianiste et de pédagogue.

Il fallait bien qu'une force vive guide ce passionné jusqu'à sa quarante septième année. Cette force, c'est la Bretagne, dont l'influence est perceptible à tous niveaux chez le compositeur. La Bretagne est tout d'abord pour lui, un espace vécu et ressenti. La mer, le littoral, les landes du centrearmoricain sont autant de sources d'inspiration. Certains de ses titres originaux comme Certains de ses titres originaux comme Sainte Marine, Ile Tudy, l'Ile aux moutons, courtes pièces savantes pour hautbois, orgue électronique et quatuor à cordes3, reprennent des noms de lieux proches de Quimper. Par ailleurs, d'autres pièces encore s'inspirent du légendaire breton comme Gradlon et la Ville d'Ys,pour bombarde et orgue ou La Tour,autre légende mise en musique pour voix et orchestre, avec harpe et piano.

 

Certainement désireux de désigner ouvertement l'appartenance bretonne dans sa musique, Jef Le Penven intègre, timidement d'abord, les instruments traditionnels dans une Marche des Bretons (1940). Il déploie ce processus ensuite dansla Cantate du bout du monde (1958) ou encore dans le final de sa Symphonie Morbihan (1963) en associant tout un bagad à l'orchestre symphonique.

 

Une formation double


Mais de la Bretagne, il est une influence manifestement déterminante dans son oeuvre : c'est celle des chants du terroirs, assurément pour lui la source d'inspiration privilégiée de sa création. Il les recherche à tous moments, en tous lieux et s'il en explore les ressources pour une musique nouvelle, il les exploite souvent sous leur forme originelle.

Vingt ans de formation ont été nécessaires pour amener ce breton d'origine à l'aisance d'écriture qu'on lui connaît et à ce goût fortement marqué l'alliance, dans ses œuvres, d' une musique d'essence populaire à un style plus savant et personnel.

 

Né en 1919, le jeune pontivyen découvre très tôt le chant populaire dans les ateliers de menuiserie de son père. C'est là qu'il tourne sa première bombarde tout en travaillant intensément le piano auprès de sa sœur Amélie, son premier professeur. Son éducation religieuse le même aussi vers l'orgue qui devient très vite son instrument privilégié. Marcel Dupré devient son maître à Paris en 1937 et va accompagner l'impressionnante progression de son élève sur plusieurs années. Il le convie parfois à le remplacer à la tribune de St Sulpice. Paris est aussi le temps de la Schola Cantorum  il acquiert les bases de l'harmonie dès l'âge de treize ans. Il étudie ensuite l'orchestration et la composition dans les cours privés de Henri BÜSSER4. Sa formation est donc en une formation double, qui se réalise entre Pontivy et la capitale. De ces allers-retours va naître un style d'écriture composite fortement inspiré par le chant populaire breton.

 

Premiers arrangements


L'influence bretonne, qui transparaît sous différents aspects dans sa musique, se manifeste pour une part au travers de la langue. Le breton s'y exprime largement. Les arrangements avec orchestre ou les harmonisations vocales réalisées par le compositeur puisent aux sources du Barzaz Breiz de La Villemarqué (airs notés par Jules Schaeffer), dans les textes recueillis par François-Marie Luzel ainsi que dans ceux de Loeiz Herrieu (airs notés par Maurice Duhamel). Jef Le Penven s'intéresse également aux belles mélodies des cantiques locaux. Peh trouz zo ar en doar fait l'objet d'un arrangement pour chœur et orchestre en décembre 1941. Dans le même élan il arrange Adoramb Oll en 1943, air sacré qu'il représente en valeurs augmentées dans une formation pour quintette à cordes. Le chant populaire se trouve donc traité sous différentes formes. Il apparaît dans des formations diverses allant du duo à l'orchestre ou de la voix solo au grand choeur. Au moins cent d'entre eux sont harmonisés pour deux, trois voix égales ou quatre voix mixtes à partir de 19405. L'œuvre de Jef Le Penven compte ainsi une importante production directement liée au répertoire breton.                                         

A suivre...très prochainement!

 

1Entretien n° 3, Nolwenn Monjarret, Rennes, 21 avril 2010.

2id

3LE PENVEN Jef, Musique Bretonne d'été, disque 33 tours n°3332, Mouëz-Breiz, 1963.

4Professeur d'orchestration et de composition au conservatoire de Paris entre 1930 et 1948.

5Liste in mémoire de master « Jef Le Penven, entre tradition et musique savante », juin 2011, annexes 2, Dumerchat-Schouten Anne-Marie.

Publié dans Invités

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Y
<br /> Vive la Bretagne :-)<br />
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